Chaire UNESCO sur la diversité
des expressions culturelles

Chaire UNESCO sur la diversité des expressions culturelles

Hommage à Ivan Bernier

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Comme son nom l’indique et comme le reflètent ses axes de recherche, la Chaire UNESCO sur la diversité des expressions culturelles est intimement liée à un traité, soit la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles adoptée à Paris le 20 novembre 2005. Or, l’origine de cette Convention, en quelque sorte ses racines, ont d’abord puisé dans un terreau de réflexion extrêmement fertile préparé par un éminent chercheur de la Faculté de droit de l’Université Laval, le professeur émérite Ivan Bernier. Plus que l’un des rédacteurs de cette Convention, tous reconnaissent surtout qu’il en est le père spirituel. Cette section du site Internet de la Chaire vise à lui rendre hommage.

Bien qu’elle n’ait vu le jour qu’en 2016, la Chaire UNESCO sur la diversité des expressions culturelles a notamment vocation à faire fructifier l’héritage intellectuel qu’Ivan Bernier a légué à plusieurs générations d’étudiants, dans les domaines du droit international de la culture et du droit international économique. Le modeste hommage que nous lui rendons ici  vise à souligner son apport inestimable à la réflexion qui a su inspirer tant d’acteurs – chercheurs, militants, décideurs, politiciens ou diplomates – qui œuvrent à la défense et à la  promotion de la diversité des expressions culturelles au Québec, au Canada et sur la scène internationale.

Cet hommage rassemble et rend accessibles en format numérique les textes et interventions publiques les plus marquants d’Ivan Bernier, publiés entre 1987 et 2017, rassemblés en quatre grandes périodes de l’évolution de la réflexion entourant les enjeux de protection et de promotion de la diversité des expressions culturelles en droit international. Chaque section débute par un texte introductif rédigé par Ivan Bernier qui souligne notamment les événements qui ont marqué la période concernée, permettant ainsi de replacer ses publications dans leur contexte historique. 

Ce sont donc 30 années de réflexion sur divers aspects juridiques de la protection et de la promotion de la diversité des expressions culturelles qui sont présentées ci-dessous et qui reflètent la contribution d'Ivan Bernier à l'essor et au développement de ce champ du droit international public contemporain.

Véronique Guèvremont
Titulaire de la Chaire

Présentation d'Ivan Bernier

Professeur émérite depuis 2004

Après avoir obtenu sa licence en droit à l'Université Laval et avoir été admis au barreau du Québec, Ivan Bernier s'envole pour Londres afin de poursuivre ses études. En 1969, titulaire d'un doctorat en droit de la prestigieuse London School of Economics, il commence une brillante carrière universitaire à la Faculté de droit de l'Université Laval. Il y a assumé d'abord des enseignements en droit constitutionnel ainsi qu'en droit international économique, pour se spécialiser graduellement dans cette dernière discipline. À partir du milieu des années 1980, il s'intéresse de plus en plus au problème du traitement des biens et services culturel en droit international économique, lequel accaparera l'essentiel de son temps jusqu'à sa retraite en 2001, et même bien au-delà.

Durant toute sa carrière, on fera appel à ses compétences de gestionnaire, et il n'hésitera jamais à assumer de hautes responsabilités : vice-doyen à l'enseignement (1972-1973) et doyen de la Faculté de droit (1981-1985), directeur de recherche légale et constitutionnelle de la Commission royale sur l'union économique et les perspectives de développement du Canada (1983-1985), membre du conseil universitaire (1977-1985), directeur général du Centre québécois de relations internationales (1986-1993), directeur du Groupe de recherche sur les aspects juridiques internationaux et transnationaux de l'intégration économique (1995-1996), directeur du programme de maîtrise en relations internationales à l'Institut québécois des hautes études internationales (1999-2001).

Ces nombreuses fonctions administratives n'empêcheront jamais monsieur Bernier d'être très actif en matière d'enseignement et de recherche. Jusqu'à maintenant, cet auteur prolifique a publié six volumes et plus de 50 articles. Sa passion pour le partage du savoir a également servi les quelque 35 étudiants à la maîtrise et au doctorat qu'il a dirigés. Ces aptitudes pédagogiques, il les a exportées à Montréal, à Victoria, à Paris, à Montpellier et à Aix en Provence en tant que professeur invité. Communicateur infatigable, il a participé à titre de conférencier à de nombreuses conférences internationales. Au fil des ans, il est devenu un spécialiste, reconnu à l'échelle internationale, du droit international économique (OMC, libre-échange, intégration économique), des relations culturelles internationales et des États non souverains. Il a œuvré comme arbitre dans le cadre de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis et a été inscrit sur la liste indicative des personnes appelées à siéger sur des groupes spéciaux de l'ALENA et de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

Bien qu'il ait pris sa retraite en tant que professeur titulaire en 2001, monsieur Bernier demeure professeur associé à la Faculté de droit. Conseiller éclairé, il met plus que jamais ses connaissances au service des autres, particulièrement en ce qui a trait aux différents aspects touchant la question de la diversité culturelle. Il a agi à titre d'expert conseil pour le Groupe de travail franco-québécois sur la diversité culturelle ainsi que pour le Groupe de travail sur la diversité culturelle et la mondialisation du Réseau international sur la politique culturelle (RIPC). Il a siégé également à un comité sur la diversité culturelle formé par l'Agence universitaire de la Francophonie. En novembre 2003, il est invité par le Directeur Général de l'UNESCO à faire partie d'un groupe d'experts indépendants en vue de l'élaboration d'un avant-projet de Convention internationale sur la diversité des expressions culturelles.

Ce rayonnement international, son engagement constant, ici et à l'étranger, ainsi que la qualité de son enseignement lui ont valu un doctorat honoris causa de l'Université McGill, en 1999, ainsi que le prix d'excellence de l'Association canadienne des professeurs de droit, en 2001. En 2006, il reçoit le prix Justicia de la Faculté de droit de l'Université Laval. En 2011, il est fait Officier de l'Ordre de la Pléiade, Assemblée parlementaire de la Francophonie. En 2012, le prix d'honneur de la Société des relations internationales du Québec lui est remis pour l'ensemble de son œuvre. En 2017, enfin, la Coalition française pour la diversité culturelle lui remet, conjointement avec la professeure Véronique Guévremont, son Prix de la diversité culturelle. Ivan Bernier jouit du respect et de l'admiration de ses pairs et de toute la communauté universitaire.

Vous pouvez également consulter son CV en cliquant ici.

 

Publications en matière de diversité culturelle

I. Le débat sur la culture et le commerce avant la Convention

Bien avant que le projet d'une convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles ne voit le jour, des signes avant coureurs avaient commencé à apparaître montrant que la mondialisation croissante de l'économie au plan international ne se réalisait pas sans risque pour la préservation de la diversité culturelle. Des différends de plus en plus fréquents ont surgis en lien avec la multiplication des accords commerciaux internationaux qui ont mis en évidence deux conceptions radicalement opposées du traitement à accorder aux produits culturels dans de tels accords. L'une considère les produits culturels comme des produits de divertissement semblables, d'un point de vue commercial, aux autres produits et donc entièrement soumis aux règles du commerce international. L'autre considère les produits culturels comme des biens qui véhiculent des valeurs, des idées et du sens, c'est-à-dire comme des instruments de communication symbolique qui façonnent l'identité culturelle d'une collectivité et sont essentiel à son fonctionnement démocratique : ils doivent donc être exclus du champ des accords commerciaux. Sans grande surprise, les tenants de cette deuxième conception ont cherché à assurer la préservation de la diversité culturelle en demandant de plus en plus souvent, lors de la négociation de tels accords, l'insertion de clauses d'exception culturelle. Ces prises de positions marquées ont engendré un vif débat autour de l'interface commerce/culture, ainsi qu'en témoigne la multiplication, entre 1985 et 2000, des conférences et publications scientifiques sur le sujet. Mais face à la difficulté de faire accepter les clauses d'exception culturelles, il était évident, en 1999, qu'une autre approche était devenue nécessaire pour protéger la diversité des expressions culturelles. C'est à ce moment là que le projet d'une convention internationale sur la protection et la promotion de la diversité culturelle a vu le jour.

 

Publications

Conférences

II. La Genèse de la Convention

C'est en février 1999 qu'est lancé pour la première fois le projet d'un instrument international sur la diversité culturelle. Développé dans le cadre des travaux du Groupe de consultations sectorielles sur le commerce extérieur, rattaché au ministère des Affaires étrangères et du commerce extérieur du Canada, celui-ci délaissait la stratégie de l'exemption culturelle suivie par le passé, qui consistait à soustraire la culture du champ des négociations commerciales internationales, pour mettre plutôt de l'avant une stratégie impliquant la négociation d'un nouvel instrument international qui porterait expressément sur la diversité culturelle et reconnaîtrait le rôle légitime que jouent les politiques culturelles nationales pour assurer la diversité culturelle. En novembre 1999, une étude préliminaire visant à esquisser les grands traits d'un tel instrument était réalisée à la demande du ministère du Patrimoine canadien. Dans les années qui suivirent, d'autres projets d'instrument international sur la diversité culturelle firent leur apparition, dont celui du Groupe franco-québécois sur la diversité culturelle (juin 2002), celui du Groupe de consultations culturelles sur le commerce international (septembre 2002), celui du Réseau international sur la politique culturelle (RIPC) (juillet 2003) et enfin celui du Réseau international sur la diversité culturelle (RIDC) regroupant des artistes, des militants culturels et des organismes culturels, en 2003. Durant toute cette période, conférences et forums, ouvrages et articles scientifiques continuèrent d'alimenter le débat, contribuant à élargir ainsi l’intérêt pour la question de la diversité culturelle au plan international. À partir de 2001, un réseau international de coalitions sur la diversité culturel commença a se développer à l'initiative du Canada et de la France afin d'agir comme groupe de pression en faveur de la diversité culturelle.

 

Au début de 2003, il était devenu clair qu'une initiative devait être lancée afin de donner vie au projet d'une convention internationale sur la diversité culturelle. C'est ainsi que le 6 février 2003, les ministres de la culture de l'Allemagne et de 16 pays membres du Réseau international sur la politique culturelle (RIPC) rencontraient le Directeur général de l’UNESCO, M. Koïchiro Matsuura. Au cours de cette rencontre, ils ont formellement proposé que soit inscrit à l'ordre du jour du Conseil exécutif de l'UNESCO à sa 166e session un point intitulé « Élaboration d'une convention internationale sur la diversité culturelle ». Le débat sur ce point, lors de la rencontre du Conseil exécutif en avril 2003, fut marqué par la prise de position des États-Unis et de quelques autres pays qui objectèrent qu'il était prématuré d'aller de l'avant avec une telle négociation. Mais la grande majorité des États membres du Conseil exécutif firent valoir pour leur part le besoin d'un nouvel instrument qui permettrait d'établir un lien entre la préservation de la diversité culturelle et les objectifs du développement humain, social, culturel et économique. Au terme du débat, le Conseil exécutif décida d'inscrire la question relative  à l'opportunité d'un instrument normatif sur la diversité culturelle à l'ordre du jour de la 32e session de la Conférence générale prévue pour octobre 2003.

 

Publications

Conférences

Ébauches de projets d'instruments juridiques

III. La négociation de la Convention

En octobre 2003, la Conférence générale de l'UNESCO confiait au Directeur général le mandat de soumettre à sa prochaine session de 2005 un rapport préliminaire accompagné d'un avant-projet de convention pour la protection de la diversité des contenus culturels et des expressions artistiques. Peu de temps après, le Directeur général constituait un groupe international multidisciplinaire de quinze experts chargés de lui adresser des suggestions et des avis sur l'élaboration de l'avant-projet de convention. Au terme de trois rencontres qui se sont échelonnées de décembre 2003 à mai 2004, le groupe des experts indépendants transmit au Directeur général le texte d'un avant projet de convention sur la protection de la diversité des expressions culturelles que celui-ci fit immédiatement circuler auprès des États membres afin de recueillir leurs commentaires et observations écrites jusqu'à la mi-novembre 2004. Par la même occasion il convoquait une première session de la Réunion intergouvernementale d'experts destinée à avancer l'élaboration de l'avant-projet de convention en vue de faire rapport à la Conférence à sa sa 33e session. Trois rencontres furent nécessaires pour mener à termes les négociations. Au terme de la troisième et dernière session, les représentants de plus de 130 pays ont approuvé à la quasi-unanimité le libellé final d'un avant-projet de convention et recommandé à la Conférence générale son adoption à la 33e session, en octobre 2005.

 

Mais ce résultat, qualifié de moment historique par plusieurs dans leur déclaration de clôture, fut dénoncé avec vigueur par les États-Unis, ces derniers allant jusqu'à affirmer, dans une déclaration rendue publique par leur ambassade à Paris, que le texte de convention proposé était profondément défectueux parce qu'il concernait le commerce plutôt que la culture , qu'il était  en conséquence hors de la compétence de l'UNESCO et que son adoption ne pourrait que compromettre la réputation de l'UNESCO à titre d'organisation internationale responsable.

 

Publications

Conférences

IV. La mise en œuvre de la Convention

L'adoption de la Convention par le Conférence générale de l'UNESCO le 20 octobre 2005 a marqué la fin de la période de négociation collective et rendu le texte de celle-ci définitif. Pour la suite, l'article 29 de la Convention stipulait que « la présente convention entrera en vigueur trois mois après le dépôt du trentième instrument de ratification ». Ainsi, pour que la Convention pénètre dans le droit positif, il fallait que les États expriment individuellement leur volonté d'être liés par elle. D'entrée de jeu, la grande préoccupation a été de réunir les 30 ratifications nécessaires pour son entrée en vigueur, ce qui a été réalisé en en moins de dix-huit mois. Mais pour que la Convention trouve sa place au plan international, il était crucial qu’un nombre important d'États la ratifient. Là encore, les attentes ont été assez largement comblées. En septembre 2018, soit pratiquement 13 ans après son adoption, pas moins de 145 États, auxquelles s'ajoutent l'Union européenne à titre d'union économique, sont maintenant Parties à la Convention.

Une fois la Convention entrée en vigueur, la tâche la plus importante a été la mise en place des organes de la Convention (Conférence des Parties et Comité intergouvernemental) et l'élaboration de leur plan de travail. Des directives opérationnelles furent ensuite adoptées en vue d'accompagner la mise en œuvre des engagements des Parties sur leur territoire. Une attention particulière a été accordée dans ce contexte aux dispositions visant à soutenir le développement des politiques culturelles des pays du Sud. Si la mise en place du Fonds international pour la diversité culturelle a été au cœur de la stratégie d'aide à ces derniers, il faut aussi mentionner la mise en place de programmes d'aide technique aux pays en développement financés par des donations spéciales venant de diverses Parties. Le Secrétariat de l'UNESCO lui-même fut mis à contribution pour aider dans l'application des décisions de la Conférence des Parties et du Comité intergouvernemental et faire rapport sur celle-ci. Il a joué et joue encore un rôle très important dans la mise en œuvre de l'article 9 de la Convention qui prescrit que « les Parties fournissent tous les quatre ans, dans leur rapport à l'UNESCO, l'information appropriée sur les mesures prises en vue de protéger et de promouvoir la diversité des expressions culturelles sur leur territoire et au niveau international ».

Tous ces développements se sont déroulés sous le regard critique de la société civile qui a fait connaître son point de vue tant au plan international, en participant activement aux rencontres de la Conférence des Parties et du Comité intergouvernemental, qu'au plan national, à travers les Coalitions nationales sur la diversité culturelle et autres organismes œuvrant dans le domaine culturel. Le monde académique, enfin, a continué durant cette période à s'intéresser activement à la Convention en procédant à l'exégèse de son texte, d'une part, et en produisant des analyses critiques de son activité, d'autre part. En 2015, plusieurs conférences ont été organisées pour marquer le dixième anniversaire de la Convention.

Publications

Conférences